Un été 1946 inoubliable à Montréal

Un roman de Mario Bergeron

posté le 09-05-2019 à 05:17:11

Irène

 

 

Quelques mois après le mariage de Paul et Marie, celle-ci annonce une grande nouvelle : elle va avoir un bébé. Comme cadeau du 25 décembre, bien sûr... L'enfant arrivé, Marie a la surprise de constater que sa fille est de race noire.  Paul se sent très content de devenir père, promet de prendre soin de l'enfant, baptisé Irène. C'est d'ailleurs ce qu'il fait, alors qu'elle se déplace sans cesse avec Irène.

Pourquoi une poupée devient un personnage important d'un roman? Sa présence est à la base de trois éléments déclencheurs : le vilain Denis Turcotte, voyant Paul avec le jouet entre les bras, congédie le garçon de l'équipe de baseball du quartier. Suffisant pour que Marie, pour donner une leçon à ce voyou, suggère que Paul devrait devenir le meilleur ami de Jackie Robinson, afin de rendre Denis jaloux et le punir de s'être débarassé de Paul. C'est le centre de ce roman.

Secundo : la poupée attire l'attention de Rachel et nul doute qu'Irène a aidé Marie à gagner la confiance de l'Américaine, qui ne se prive pas pour bercer la poupée.

Tertio :  arrive un drame : pendant l'absence de Paul, Denis Turcotte a kidnappé Irène. Rachel réclame à Jackie qu'il retrouve la poupée, ce que l'athlète trouve ridicule. Pourtant, il le fera et c'est un premier pas de Jackie vers une sociabilité absente depuis son arrivée à Montréal. La guerre entre Denis et Paul sera aussi résolvée par Jackie.

Voici la scène de la pauvre Marie éperdue sans sa fille et l'intervention de Jackie.

 

 

« Rachel, c’est une poupée! Donne quelques friandises à cette petite et elle se calmera. Elle doit avoir plusieurs poupées, non? » La future maman soupire, précise à son mari qu’Irène n’est pas un jouet, mais bel et bien l’enfant de Marie et de Paul. « Quoi? Tu veux qu’on parcoure le quartier à la recherche de la pou… de la fille de cette enfant? Je n’ai pas que ça à faire! »

Les gamines de la paroisse tremblent d’émoi devant la situation. Marie a averti le shérif Éric Lecavalier, propriétaire du plus beau costume de cow-boy que l’on puisse imaginer. Très rapide avec ses pistolets, de plus! Cependant, ce n’est peut-être pas le justicier le plus courageux, surtout que Marie connaît trop bien les coupables : Denis Turcotte et deux de ses voyous. Ils sont venus la narguer, lui ont chapardé son landau et quand la jeune mère éplorée l’a retrouvé, dans une ruelle, Irène ne s’y trouvait plus.

 

« Il est grand, Denis Turcotte…

- Un shérif poltron! J’aurai tout vu!

- Tu sais, moi, ma spécialité, ce sont les voleurs de bétail et les propriétaires de saloon qui maltraitent les cow-boys de passage et…

- Va chercher Irène chez Denis Turcotte avant qu’il ne la vende à un prince arabe et que… Oups! Voilà Jacques et Rachel… »

Marie est en pleurs! Rachel se sent émue. Et si on enlevait son futur poupon? La chose est arrivée à l’aviateur Charles Lindberg, il y a une quinzaine d’années. Tant de gens profèrent des menaces à l’endroit de Jackie! « C’est une poupée », se répète l’athlète, les yeux levés vers les nuages, pendant que son épouse prend la fillette dans ses bras pour la consoler.

 

« C’est Denis Turcotte! Un vrai bum! Il va affamer mon enfant! Un jaloux parce que mon mari est ami avec Jacques! Il l’a mis à la porte de l’équipe de baseball du quartier parce qu’il est un bon père qui s’occupe d’Irène!

- What baseball have to do with that drama? Listen, Mary : do you know who stole your doll?

- Denis Turcotte! Je l’ai vu! Il a profité de l’absence de Paul pour kidnapper ma fille! Il…

- O.K., O.K., take it easy, kid. She said Dennis…

- Denis Turcotte! Il va brûler en enfer!

- Come with me. I’ll buy you some candies.

- Je ne veux pas de bonbons, Jacques! Je veux mon bébé! »

Une sucette dans la bouche, Marie se calme un peu, alors que surgit le shérif Éric, qui avait battu retraite en voyant approcher les Robinson, parce que sa mère lui a ordonné de ne jamais parler à des protestants étrangers.

« J’ai des indices, monsieur Robinson. J’ai enquêté! Je crois que Denis Turcotte est le coupable. On va le pendre haut et court! Bravo pour votre saison avec les Royaux! Est-ce que je peux aussi avoir un suçon?

- Now, here’s a cow-boy…

- Non, monsieur Robinson : un shérif! Regardez mon étoile.

- O.K, mister Wyatt Earp, do you know where is the house of that Dennis?

- Franchement, je n’ai pas trop bien compris ce que vous venez de dire là… »

 

Tags: #poupée
 


 
 
posté le 08-05-2019 à 05:06:28

Jackie

 

 

Bien que la trame romanesque tourne autour de la présence de Jackie Robinson, on ne peut dire qu'il soit le personnage principal du récit. J'ai voulu éviter toute tendance biographique qui aurait été nécessairement relative à ses exploits sportifs et tel n'était pas le but de ma création.

La réalité 1946 de l'homme n'est pas celle de Rachel ou des Montréalais en cause. Il y a de la tension, à cause d'un racisme cruel et tapageur, de mise dans la majorité des villes de la ligue (sauf à Buffalo, Toronto et Montréal). Chacun des voyages devient une épreuve et Rachel devient témoin de ces sentiments à fleur de peau, le faisant éclater en pleurs entre ses bras.

À cause de ces situations, Jackie se montre méfiant, au cours des premiers mois de son séjour à Montréal. Si un homme du qurtier le salue, il lève son chapeau, mais ne cherche pas à faire connaissance. Il recommande à Rachel de n'ouvrir à personne et de ne pas se montrer familière. Elle obéit en premier lieu, mais réalise que sa réalité n'est pas celle vécue par son époux. Jackie Robinson s'ouvrira à autrui peu à peu, avant de se montrer amical en septembre.

Voici une scène romantique pour ce jeune marié et cette femme qui l'aidera tant et tant à faire face à des situations difficiles.

 

 

L’homme choisit son plus beau veston et une large cravate, celle que ses beaux-parents lui ont donnée pour son anniversaire de naissance. Il oublie volontairement le chapeau, la température étant de plus en plus confortable, après des semaines froides en avril et mai. Jackie passe devant et, sur le trottoir, tend la main à Rachel, lui rappelant que la dernière marche est plus haute et qu’il ne voudrait pas la voir tomber. Elle se dirige vers la gauche alors qu’il insiste, sans s’en rendre compte, pour prendre la direction opposée. Sur le boulevard, Rachel refuse d’attendre le tramway. « Le parc que j’ai choisi est loin d’ici. Nous ne pouvons pas marcher une telle distance. » Elle ne répond pas, car le lieu décidé par Jackie est le dernier de ses soucis. Il évoque alors sa crainte de la voir se fatiguer à trop marcher. « Je suis enceinte, Jack. C’est normal, pour une femme. Je t’assure que je ne suis pas devenue impotente parce que j’attends un enfant. » La reine a toujours raison et il tend encore la main. « On dirait Paul et Marie », pense la femme, amusée.  

La remarque de Rachel ne trouve aucun écho chez lui, alors qu’il lui demande pour la troisième fois, en une demi-heure, si elle se sent fatiguée. Pour le satisfaire, elle termine cette séquence par un « Oui ». Pas réellement à bout de souffle : des chaussures qui couinent. Jackie trouve rapidement un banc, l’essuie avec son mouchoir et aide Rachel à s’y installer. L’homme sort de sa poche deux bonbons au caramel. Soudain, il se redresse, souriant, indiquant la venue d’un vendeur de crème glacée à vélo, avec sa clochette qui tinte sans cesse. Malchance : pas de saveur chocolat. « Nous voilà encore obligés de lécher du blanc », maugrée-t-il, ironique, faisant éclater la femme d’un franc rire. Rachel, pressée de se régaler, ne se rend pas compte qu’une larme de vanille pend à sa lèvre inférieure. Jackie l’essuie doucement avec son mouchoir, en s’assurant de ne pas utiliser la partie souillée par la poussière du banc.

Le couple poursuit doucement sa marche. D’un coup de tête, Rachel désigne un groupe de fillettes avec des cordes à danser, qui se dirigent gaiement vers un point précis, sans doute un parc. « Suivons-les. Tu l’auras, ta verdure. » Belle découverte, dix minutes plus tard : un charmant kiosque à musique, des balançoires et tourniquets pour les gamins, des arbres splendides et, pour couronner le tout, un étang avec des canards magnifiques. Rachel serre plus solidement la main de son époux en voyant une canne, suivie militairement par ses cinq petits.

Un homme arrive avec son sac de pain tranché, lançant quelques miches, alertant ainsi la communauté vers un point précis. « Vous en voulez, monsieur, madame? » Rachel sourit généreusement devant un groupe d’affamés, criant « Par ici! Par ici! » La maman canard et ses enfants sont trop loin pour qu’elle puisse y arriver. « Donne. C’est mon métier, de lancer avec force. Tu vas voir qu’ils vont avoir le ventre plein en peu de temps. »

Un peu plus tard, sur un banc du parc, Jackie chantonne une mélodie de Louis Armstrong à une Rachel clignant des paupières. « Retournons à la maison », fait-il en se levant. Cet empressement laisse croire à la femme qu’il y aura des roucoulades plus intimes dès leur arrivée. Paradoxalement, elle marche encore plus lentement. Pourquoi ne pas user d’un scénario féminin pour voir la galanterie masculine? Bonne comédienne, Rachel grimace en mettant une main sur son ventre et en déclarant qu’elle se sent étourdie. Pris de panique, Jackie repère un banc pas trop éloigné et se lance tel un express vers un petit restaurant situé en face. Il en ressort tout aussi rapidement, un verre d’eau froide dans la main droite et des papiers-mouchoirs dans la gauche.

La jeune serveuse du restaurant sort à son tour et lui lance : « Vous êtes Jackie Robinson, n’est-ce pas? Puis-je avoir votre autographe? » Alors que l’homme allait lui signifier que le moment est mal choisi, Rachel lui susurre à l’oreille qu’il a de la chance d’être l’objet d’une telle demande. « Aux États-Unis, tu n’aurais eu ni le verre ni les mouchoirs et la serveuse t’aurait crié : Go to hell, nigger! Sois gentil et fais plaisir à cette femme. » En effet… Jackie acquiesce à la demande, et se fend même d’un sourire après avoir tracé le N final. Il pense téléphoner à un taxi, mais Rachel lui assure qu’elle se sent mieux. Enfin de retour à la maison, trente minutes plus tard, les promesses des regards de Jackie se fondent dans les siens. 

 

Tags: #jackie
 


 
 
posté le 06-05-2019 à 22:03:01

Les parents de Paul

 

 

Honte à l'auteur : je ne leur ai pas donné de prénoms!

Le papa de Paul  est un personage tertiaire. Son apport le plus notable : arriver à lire un journal pendant les repas, les yeux fixés sur les pages, cela sans qu'une goutte de breuvage ou un morceau de nourriture ne tombe. Il est coordonnier et un bon  père.

Beaucoup plus importante est madame Gilbert. Après une douzaine d'années de mariage, elle n'a comme enfant que Paul. En cours de route : deux fausses couches qui la hantent chaque jour. L'arrivée de Rachel, enceinte, l'intrigue beaucoup et, tout comme Paul et Marie, elle cherche à devenir amie avec l'Américaine, même si elle ne parle pas anglais.

Rachel se montre graduellement réceptive à madame Gilbert, Seule loin des siens, ne pouvant communiquer, une jeune femme en attente pour la première fois a besoin de l'attention d'une autre femme.

Se développera une belle amitié de compréhension entre les deux femmes. Vers la fin du récit, madame Gilbert voit son désir se réaliser : elle est enceinte à son tour. Ceci ravit sincèrement Rachel. Il est indiqué, en épilogue, que le bébé, né en 1947, sera baptisé Rachel.

Voici une tranche d'amitié entre les deux femmes.

 

 

Chemin faisant, elles croisent une jeune mère qui promène son poupon dans un landau, en compagnie d’une autre femme, beaucoup plus âgée, sans doute la grand-mère du bébé. Trois générations de femmes. Rachel regarde autant l’enfant que les petits jouets qui l’entourent, alors que madame Gilbert annonce aux deux femmes qu’elle est enceinte, espère une fille et que sa copine, cela se voit très bien, connaîtra elle aussi l’honneur de la maternité cet automne. La femme évoque fièrement la biographie de sa petite, âgée de trois mois. Rachel et madame Gilbert s’éloignent en souriant, sachant que bientôt ce sera à leur tour de faire preuve de vantardise et de rechercher les compliments des passantes, désireuses de voir l’angelot.

 

Rachel trouve le parc ravissant. Elle se dirige vers un banc, s’assoit en posant une main sur son ventre. « Look at these cute little birds! » Les oiselets partent à l’aventure, après avoir peut-être quitté leur nid pour la première fois. « Nous sommes un peu comme la mère de ces oiseaux : garder le nid au chaud, leur donner à manger, leur enseigner ce que nous savons. » Madame Gilbert fait suivre cette phrase par une gestuelle où elle bat des ailes et désigne Rachel du doigt. L’Américaine ricane en acquiesçant d’un hochement de tête. « Je leur ai fait peur… Envolés, les mignons! Regardez ces arbres magnifiques, Rachel. »

 

La jeune Robinson observe la nature environnante, la bouche entrouverte. « It’s romantic. Your husband is romantic? » Madame Gilbert raconte leurs fréquentations, ces voyages hebdomadaires entre Montréal et Trois-Rivières. Rachel hoche la tête en signe d’approbation, même si elle ne comprend rien, sinon qu’il est question d’amour. En retour, la jeune mariée fait part de ses rendez-vous galants avec Jackie. Madame Gilbert sourit, même si elle ne comprend pas un seul mot, sinon qu’il est lui aussi un prince charmant.

Rachel se déchausse, marche autour du banc en déclarant  qu’elle a toujours aimé cette sensation, même si elle risque de déchirer ses nylons. Le petit parc est étonnamment calme, en dépit du grand boulevard, situé au nord. Les deux femmes pourraient se croire à la campagne.

« Paul is a dreamer, you know. » Madame Gilbert fronce les sourcils. Cette fois, elle voudrait comprendre avec précision le mot, car il est question de son fils. Rachel feint la position du sommeil en répétant le mot « dreamer ». La mère finit par comprendre, mais elle préfère le mot « imagination ». Rachel lui avoue qu’elle aime le voir bercer la poupée, prendre la main de Marie et lui susurrer des compliments sucrés.

 

Les deux femmes quittent leur banc, marchent doucement, s’attardent pour observer quatre vieillards, qui portent des casquettes et discutent ferme tout en fumant leurs pipes. Rachel raconte sa relation avec son grand-père. Elle fouille dans son sac à main, montre une photo de ses parents en compagnie de cet aïeul. « Les grands-parents sont précieux pour les enfants. Vous verrez. Votre papa sera un grand-père », explique la Canadienne.

 

Sans s’en rendre compte, elles quittent le parc et marchent vers un point d’arrêt du tramway, quand soudain Rachel grimace un peu, se tenant le bas du ventre, pointant du doigt en direction d’un petit restaurant. Besoin naturel! Le patron ne discute pas, comprenant qu’une femme enceinte ait besoin du petit coin davantage qu’une autre. Pour le remercier, madame Gilbert achète une tablette de chocolat, qu’elle partage avec Rachel.

 

Tags: #rachel
 


 
 
posté le 05-05-2019 à 20:04:14

Les relations entre Marie et Rachel

 

 

Les relations amicales entre Marie et Rachel sont plus rapides qu'entre Paul et Jackie. Se sentant isolée si loin de sa famille (de Californie). dans un milieu ne parlant pas sa langue, avec les inquiétudes propres à une femme enceinte pour la première fois, Rachel se montre gentille envers la fillette, lui rappellant sa propre enfance.

Le fait que Rachel soit infirmière agit comme un aimant auprès de l'enfant, mais aussi chez toutes les gamines du quartier. Ne doutons pas que la poupée Irène a donné un fier coup de main à sa 'maman' pour cette conquête.

 

 

 

 « Why are you crying, Mary?

 - Rachel, je sais que tu es une garde-malade et là, je suis très inquiète parce qu’Irène souffre beaucoup en perçant ses dents. Je ne sais plus quoi faire! Aide-moi!

- I don’t understand, poor little girl.

- Mon pauvre bébé!

- Your baby is hurt?

- Oui, mon bébé a mal! Aide-moi, Rachel! »

 

 

 

Rachel examine la poupée avec le plus grand soin pendant que Marie met deux doigts dans sa bouche afin de lui faire comprendre qu’elle doit regarder les dents. Alors, l’ancienne étudiante infirmière se souvient qu’on l’a souvent fait exercer avec des mannequins. La fillette qui vit dans son cœur comprend l’inquiétude de Marie. Rachel fait sursauter l’enfant de bonheur en courant chercher sa coiffe d’infirmière. Après avoir soigné Irène, l’Américaine berce le poupon avec la plus grande tendresse.

 

Touchée, Rachel regarde Marie s’éloigner sur le trottoir, tenant maternellement la poupée contre son épaule, en lui marmonnant une berceuse. Sans doute que l’enfant ira retrouver Paul pour lui dire qu’Irène a été guérie par cette championne infirmière. « Voilà ce que je voulais faire : aider les gens dans le besoin. Je le ferai plus tard. Ce n’est pas impossible de travailler dans un hôpital et d’élever ses propres enfants en même temps, bien qu’avec la carrière de Jack… Nous verrons dans quelques années. »

 

Tags: #marie
 


 
 
posté le 03-05-2019 à 21:55:14

Les relations entre Paul et Jackie

 

 

Comme indiqué précédemment, Jackie Robinson s'est montré méfiant dès son arrivée à Montréal. Il faut avouer qu'il avait de bonnes raisons pour ne pas avoir de relations avec les Blancs, après une expérience de racisme traumatisante en Floride et dans la plupart des villes de la ligue. Aux insultes incessantes et menaces, l'athlète devait aussi se frotter à l'accueil froid de ses coéquipiers. N'oublions pas que le gérant des Royaux avait demandé à Branch Ricky (des Dodgers de Brooklyn) s'il pensait sérieusement que les Noirs étaient des êtres humains.

 

Les échanges avec Paul sont beaucoup plus froids et difficiles qu'entre Rachel et Marie. Ils arrivent tardivement, en août, surtout parce que le garçon répète souvent le mot 'Université', ce qui intrigue Jackie.

 

L'extrait se concentre sur le premier geste de gentillesse de l'homme envers l'enfant.

 

 

 

 

« Bonjour, Jacques. Je m’exerce pour attraper des balles. Mon instructeur Pierre Hamel n’a pas été content de ma performance lors du camp d’entraînement des Verts. Alors, je veux m’améliorer, comme les grands qui vont à l’université.

- Listen, Paul. I’m a very busy man and I got many preoccupations and… What a waste of time…

- Les Royaux ont perdu, mais ce n’était pas de ta faute. Est-ce qu’il y a beaucoup de bons joueurs de baseball, à l’université?

- Branch Rickey never told me about that…

- Monsieur Rickey est à Brooklyn et nous, à Montréal. Il y a de belles universités, dans notre ville, comme la Ma Gilles.

- O.K., Paul. Give me that ball.

- Tu veux ma balle, Jacques? Pour quoi faire? »

 

 

 

Jackie prend l’objet, jette un regard circulaire pour s’assurer que personne ne le voie, puis fait signe à Paul de le suivre à l’arrière de la maison. Si quelqu’un l’apercevait, il sait que tous les gamins du quartier arriveraient avec une balle. Au contraire, Paul aurait préféré que chacun en soit témoin. L’événement aurait sans doute été raconté à Denis Turcotte et à sa bande de renégats. Rouges de jalousie! Mais, au fond, Paul désire avant tout un conseil de baseball. Venant du joueur de l’heure de la Ligue internationale, ce n’est certes pas à dédaigner. Après que Paul eut reçu la balle sur l’épaule, Jackie lui montre comment tenir le gant comme il faut, lui conseille de ne jamais quitter le projectile des yeux. La leçon dure quinze minutes, sous le regard ravi de Marie, installée avec Rachel dans l’escalier.

 

Tags: #amitié
 


 
 
posté le 02-05-2019 à 18:35:49

Armand

 

 

Au cours des années 1940, beaucoup de petites filles rêvaient de devenir religieuses. On sait peu de choses des garçons désirant aussi ce destin. En voici un : Armand Daneault, premier de classe, qui avait réussi à déjouer un frère enseignant à propos d'un commandement du catéchisme. Pour les enfants du quartier, il n'y a pas de doute : Armand est leur curé. Il devient une référence de bon conseil. Quand Ti-Pierre Hamel désire devenir le mari de Rachel, Armand est présent pour lui raconter que la chose n'est pas possible. Il est aussi l'intellectuel savant de la bande ; ainsi définit-il la religion méthodiste de Jackie et Rachel comme "des protestants avec de la méthode." Voici un grand jour de sa vie de futur curé : le mariage de Paul et Marie.

 




Paul et Marie marchent entre les rangées ornées de caisses de carton et de bois, mais ils voient l’autel d’une grande église, les beaux vêtements des enfants de chœur, les toiles saintes sur les murs, les statues pieuses et entendent les grandes orgues. Marie passe près de tomber à trois reprises à cause des chaussures. Elle se concentre pour ne pas pleurer. C’est le plus grand jour de sa vie! Dans quelques minutes, elle deviendra madame Paul Gilbert.

Armand préside la cérémonie mieux qu’un évêque. Plusieurs chrétiens de l’assistance se demandent pourquoi il répète Dominus Vobiscum, Ave Maria, Agnus Dei si souvent. Il leur semble que le garçon connaît beaucoup plus de mots que ces trois expressions. Ce premier mariage lui fait-il perdre son latin?

 « Mademoiselle Marie Pratte, acceptez-vous de prendre pour époux monsieur Paul Gilbert, de lui être fidèle et gentille pour l’éternité?

- Oui, je le veux.

- Monsieur Paul Gilbert, acceptez-vous de prendre pour épouse mademoiselle Marie Pratte et de… de… de…

- Armand! Tu te sens mal?

- C’est l’émotion… Je me sens si nerveux… Je disais… de… de… de lui être fidèle et de la protéger jusqu’à la mort?

- Oui, je le veux.

- Par les pouvoirs que le bon Dieu et le petit Jésus me donnent,  je vous déclare mari et femme. Que le Tout-Puissant vous protège. Échangez les anneaux.

- Armand, il me semble qu’on aurait dû échanger les anneaux avant que tu dises que nous sommes mariés.

- Heu… C’est l’émotion… Échangez les anneaux quand même. »

 De si belles bagues! Pas des pacotilles de plastique trouvées dans une boîte de Cracker Jack, mais de véritables joncs que Paul a achetés cinquante sous pièce, après avoir vendu beaucoup de bouteilles vides et ramassé du métal pour refiler au Juif. « Viboscum Ave Dei. Vous pouvez embrasser la mariée. » Quelle joie! Marie se sent maintenant mieux. Quel sourire radieux, pendant qu’elle passe sous l’arche des bras tendus, alors que les plus petits, des anges, lancent des confettis de papier.
Tags: #religion
 


 
 
 

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