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Titre du blog : Un été 1946 inoubliable à Montréal
Auteur : MarioRoman
Date de création : 15-05-2015
 
posté le 10-05-2019 à 05:19:42

Paul et Marie

 

Ces deux enfants de dix ans, mariés et parents d'une poupée prénommée Irène, sont le centre du roman. Toutes les actions concernant les autres personnages, adultes ou gamins, découlent de la présence de ce duo. J'ai choisi les prénoms Paul et Marie parce qu'ils sont, en quelque sorte, bilingues, ce qui facilitera les choses pour Rachel et Jackie.+

 


À l'école, Marie est une élève moyenne. Ceci ne l'empêche pas d'être intelligente. La majorité des idées et des initiatives concernant les Robinson viennent de la fillette. Par exemple, alors que les deux Américains, sortant par la porte avant de leur logement et ne saluant personne, Marie croit, avec justesse, qu'ils seront plus faciles à rejoindre en passant par l'arrière.


Paul se contente d'obéir à Marie. Même son initiative de se joindre à l'équipe de baseball du quartier voisin est une idée de la fille. Un bon garçon, obéissant à ses parents et traitant Marie avec gentillesse.


L'extrait présente une des rares idées de Paul. Nous sommes au printemps 1946 et Jackie Robinson n'est pas encore à Montréal. Les deux enfants ne se doutent pas que l'athlète viendra habiter leur quartier. Parce qu'il est un Noir, comme leur poupée Irène et parce que les gars de l'école lui ont raconté qu'il y a des Noirs travaillant à la grande gare de Montréal, Paul et Marie partent à l'aventure, car ils n'ont jamais vu de Noirs.

 


Hors des limites de leur quartier, tout devient énorme aux yeux des enfants. Bien sûr, ils sont déjà sortis pour visiter les grands magasins de la rue Sainte-Catherine, le parc Belmont et le stade Delorimier, mais c’était en compagnie de leurs parents. Maintenant qu’ils sont mariés, la présence d’adultes ne s’avère plus nécessaire. Du moins, la transition se fera progressivement. Marie craint de rencontrer une guidoune et Paul ne saurait comment réagir face à un robineux. Et si des étrangers décidaient de voler Irène pour la vendre à un sultan? Cette sortie comporte quelques risques, mais elle s’avère nécessaire.

 

Immense, cette gare Windsor! « C’est comme une cathédrale pour trains », fait remarquer Marie sans retenir l’attention de Paul, qui cherche tout de suite un nègre. Il n’y en a pas. Les gars de son école l’ont-ils berné, avec cette histoire?


 

« Peut-être qu’ils travaillent dans les wagons des trains.

- C’est possible.

- J’ai peur! Prends ma main, Paul chéri! »

 

 

 

 

Quelle chance! Le couple voit un homme tout noir, portant une jolie casquette de capitaine. Il est vêtu d’un bel habit, avec des boutons dorés. Paul et Marie le regardent avec tant d’insistance que l’homme, embarrassé, se retourne et leur demande, en français, ce qu’ils cherchent. Les enfants remarquent tout de suite son immense sourire et ses dents très blanches.

 

 

 « T’as entendu? Il parlait français et aussi en anglais. 

- Sans doute un ancien premier de classe.  

- Retournons à la maison. On a vu un nègre? Mission accomplie!

- J’aimerais en voir un autre et lui parler. Celui-là était trop occupé. Marchons par là. »

 

 

Quelle chance dans cette journée parfaite : un autre tout foncé! Celui-là attend devant une étrange table, un chiffon entre les mains. « Je crois qu’il cire les chaussures », murmure Marie à Paul. « Hé! Les enfants! Vous cherchez quelque chose? » Le couple avance avec prudence. Paul enlève sa casquette, pendant que Marie offre une salutation de princesse en tenant deux bouts de sa robe avec ses doigts pincés.

 

 

 « Est-ce que vous connaissez Jacques Robinson, monsieur?

- Le gars qui va venir jouer pour les Royaux? Pas personnellement, mais on est bien contents pour lui, dans le quartier Saint-Henri.

- Voulez-vous sourire, monsieur?

- Quoi? Vous êtes perdus dans la gare, les jeunes? »

 

 

  Marie se sent fière de Paul, car son plan a fonctionné à merveille. « T’as vu ces magnifiques sourires, Irène? Quand tu seras grande, tu vas sourire comme eux et tu trouveras les meilleurs garçons qui voudront se marier avec toi. » De retour dans le quartier, les parents Gilbert et Pratte ne se rendent pas compte de la fugue aventurière de leurs rejetons, qui se couchent tels des angelots sages.