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Titre du blog : Un été 1946 inoubliable à Montréal
Auteur : MarioRoman
Date de création : 15-05-2015
 
posté le 29-04-2019 à 16:45:40

Réalités historiques

 

 

Comme dans tous mes romans, il y a une certaine rigueur socio-historique, même là où le lectorat n'en voit pas. Il y a toujours une recherche, tant pour des grandes lignes que pour des détails.

Le roman respecte la réalité québécoise des années 1940, mais aussi celle du couple Robinson. Dans le roman, Rachel nomme son mari Jack, n'utilise jamais le diminutif Jackie, qui est une initiative du monde du baseball, comme cela arrivait souvent. Enceinte, la femme passait beaucoup de temps un tricot à la main. Les femmes du quartier lui donnaient des bons de rationnement, puis en se rendant à l'épicierie, il y avait toujours des inconnus pour l'aider à transporter ses sacs. C'est tout à fait exact que les Royaux ont joué une partie à Trois-Rivières contre leur filiale de la ligue Can-Am. Tant de choses!

 

Voici la mise en contexte de l'extrait. Californiens, les Robinson ne s'étaient jamais frottés au racisme sudiste, avec des lieux publics interdits aux Noirs, être obligés de s'installer dans les bancs du fond d'un autobus. C'est ce qu'ont vécu Rachel et Jackie en se rendant au camp d'entrainement de l'équipe en Floride. La prochaine destination : Montréal, ville en majorité blanche.

Dès leur arrivée, la direction des Royaux avait repéré des logements à louer. Le couple a décidé d'éviter les quartiers anglophones, jugeant qu'ils seraient davantage anonymes dans un milieu francophone. Ce n'est pas précisément ce qui est arrivé... L'homme et la femme, dès leurs premiers jours dans le quartier, étaient remplis de méfiance, suite à la situation vécue en Floride, n'imaginant pas qu'ils seraient l'objet d'une grande curiosité.

 

 

 Voilà les Royaux à Montréal. Tout de suite, les femmes du quartier vont regarder du côté de l’habitation dans l’espoir d’entrevoir Jackie et Rachel. Même la mère de Paul, qui a toujours fui les potins, ne peut s’empêcher de fureter, même si elle s’arrête deux minutes après être sortie de la maison, jugeant cette action digne d’une commère. Contre toute logique, la femme se remet en marche. Sur place, elle voit une douzaine de personnes. « Ce n’est pas tous les jours qu’on a un joueur des Royaux dans le coin », assure un grand-père en arrondissant les yeux. Sa voisine donne un coup de tête, lève le petit doigt : « Un Noir! Le premier à jouer avec des Blancs. Ce n’est pas courant. Un Noir tout court, c’est la première fois que notre paroisse en accueille un. Dans Saint-Henri, il y en a beaucoup, mais pas ici. »

Idioties! Transformer l’arrivée de nouveaux locataires en spectacle! « Des palabres, un point c’est tout. Qu’est-ce que je fais ici? » pense la maman de Paul.

 

(...)

 

« C’est curieux qu’ils viennent habiter ici. Habituellement, les Anglais s’installent dans l’ouest. » Madame Gilbert hausse les épaules, quand soudain une grassette arrive en trombe avec la réponse : « Ils n’ont sûrement pas d’automobile. Le tramway passe tout près et ce n’est pas si loin pour se rendre au stade. » Pas d’automobile? Un Américain? Théorie absurde! Ces gens-là apprennent à conduire avant même de se rendre à l’école. « Les Blancs, madame! Pas les nègres. Ce sont tous des petits employés, des ouvriers mal payés. Ils n’ont pas d’argent pour rouler en auto. Mon frère m’en a parlé. Il habite le New Hampshire depuis quinze ans et il y a des nègres dans son usine. De plus, je… Oh! Regardez! Ce sont sûrement eux qui arrivent! »

 

Cette fois, madame Gilbert décide de fuir, mais la curiosité étant ce qu’elle est… Du coin de l’œil, elle regarde. Plus longtemps qu’elle ne l’aurait cru. En retournant à la maison, la femme presse le pas, attendue par son mari et son fils, avides de ses révélations.

  

« Elle a l’air très distinguée. Elle est toute petite. En fait, cette femme a sûrement une taille normale, mais aux côtés de son mari, grand et costaud, elle semble minuscule. Très impressionnant à voir, cet homme.

- Est-ce qu’ils ont salué les gens?

- On aurait dit qu’ils avaient un peu crainte en nous voyant. Mais quand on a décidé d’applaudir, elle a souri, mais pas lui. Il faut le comprendre. Les Blancs des États-Unis l’ont insulté, puis il arrive ici dans un pays étranger et dans un quartier où il n’y a pas de gens de sa race. 

- Ça se tient debout, ce que tu dis là. Peu à peu, ils vont s’habituer.

- Laissons-le se remettre de leurs émotions.

- T’as raison. Il faudra toujours se montrer poli. T’as compris, mon petit bonhomme Paul? 

- Oui, papa. 

- Si la jeune dame a besoin d’aide, elle pourra compter sur moi. »

 

 

La photo : le couple Robinson devant la maison de la rue de Gaspé.  Cette habitation existe toujours et on peut y voir une plaque, indiquant que c'est là que Rachel et Jackie ont trouvé nid, en 1946. Cette photo a été apposée sur la plaque.